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Découverte TRM24 : nous avons conduit l’Otokar Navigo BVA Allison T2609

Les progrès spectaculaires de l’Otokar Navigo U

L’Otokar Navigo U a dû, comme tous les véhicules routiers, se convertir à l’été 2024 aux exigences de GSR-II. Cela implique une redéfinition de toute l’architecture électronique et l’ajout des aides à la conduite (ADAS) désormais obligatoires. L’occasion pour Otokar de faire évoluer (très positivement) son modèle fétiche. Nous avons conduit l’Otokar Navigo BVA Allison T2609.

Le Navigo a été, pour le constructeur Turc Otokar, l’outil commercial lui permettant d’entrer chez de nombreux clients, PME comme grand comptes. L’offre d’autocars de gabarit Midi est une sorte de « chasse gardée » des constructeurs Turcs (Anadolu Isuzu, Otokar, Temsa) lesquels profitent d’un grand marché domestique pour ce type de modèles.

L’Otokar Navigo U a bénéficié d’une refonte en 2024 motivée pour des questions réglementaires (GSR-II) mais aussi commerciales (remodelage et harmonisation esthétique avec les autres modèles de la gamme). Il est décliné en 3 longueurs hors-tout : 7.8 m (33 passagers, 3 m3 de compartiments bagages); 8.4 m (jusqu’à 37 passagers et 3.7 m3 de rangements bagages) et 9.2 m (jusqu’à 41 passagers, 4.7 m3 de rangements bagages). À ces longueurs correspondent trois empattements : 3.866 m ; 4.52 m et 5.07 m. L’autre atout de ce Midi est la largeur, limitée à 2.295 m ce qui en fait un engin très apprécié sur les étroites routes de campagne ou en zones montagneuses.

Quelle que soit la longueur, ils sont animés par un moteur Cummins ISBe4.5 réglé ici à 210ch (à 2300tr/mn) pour un couple de 850Nm (à 1200 tr/mn). Ce moteur Diesel 4 cylindres en ligne de 4462cm3 à refroidissement liquide répond à la norme Euro VI-E est doté d’une injection à rampe commune (pression maximale 1800 bars). Son turbocompresseur est à géométrie variable (d’origine  Cummins Turbo Technologies[1]). La dépollution comprend EGR, catalyseur d’oxydation, filtre à particules et réduction catalytique sélective avec réactif AdBlue. Il peut fonctionner indifféremment au Gazole, au HVO ou au biodiesel B20. Bien qu’étant une vieille connaissance, le Cummins ISBe4.5 évolue régulièrement et est désormais équipé d’un couvre culasse et d’un carter en matériaux composites (gain de poids et acoustique).

GSR-II a impliqué une refonte de l’architecture électronique et on va voir que le travail conjoint entre Cummins, Otokar et Allison Transmission a été fructueux. Autre innovation, l’introduction de la boîte automatique à convertisseur Allison T2906. Produite depuis 2023, elle se singularise par ses 9 rapports. L’avantage : une plus grande ouverture de démultiplications associé à un étagement plus resserré, ce qui permet d’optimiser les points de fonctionnement du moteur sur la route, donc de baisser consommations et émissions. Autre originalité, cette boîte peut « sauter » des rapports pour gagner en temps de passage. Bonne nouvelle pour les conducteurs et conductrices qui ont connu l’Otokar Navigo à boîte manuelle, la boîte automatique est livrée en standard France par Otokar Europe.

La finition est bonne mais la largeur des sièges limitée du fait du gabarit extérieur.

Ergonomie, je chéris ton nom

Autocar Expo 2024 fut l’occasion d’un bref galop d’essai. Première bonne surprise, la télécommande de déverrouillage des portes permet également d’ouvrir automatiquement la porte conducteur. Une attention appréciable au petit matin de nuit. Sens de l’accueil confirmé par la nouvelle planche de bord, à la fois plus ergonomique, logique et intelligible que la précédente. Là on a envie de dire « merci GSR-II » !

L’autre grand bénéfice est lié à la boîte automatique elle-même : débarrassé du levier de vitesse, on peut s’installer au poste de conduite plus facilement. L’afficheur Actia associant données analogiques et écran TFT intégré est très lisible et comprend les informations utiles pour surveiller les fonctions de ce midicar.

Ultime changement appréciable, l’apparition d’un vrai interrupteur pour la commande d’éclairage ce qui en rend l’utilisation plus simple que le précédent bouton rotatif typiquement Otokar. La commande réglage de hauteur de volant est en main droite, et se révèle très dure à déverrouiller pour une amplitude qui pourrait être améliorée.

Après le passage à l’éthylotest Dräger Interlock 7000 (au préchauffage très rapide), la mise en route apporte une première agréable surprise : moteur froid, et malgré la position centrale avant, le volume sonore apparaît raisonnable et, surtout, les vibrations bien filtrées. La commande électrique des rétroviseurs, montée sur notre véhicule typé « ligne » est appréciable. Surtout, on apprécie l’absence de levier de boîte manuelle qui imposait des torsions au niveau de l’épaule et du dos pour les machinistes. Le pupitre numérique Allison est très intuitif d’utilisation mais il nous a fallu patienter un certain temps pour que la boîte enregistre les consignes. Les passages de rapport à froid sont encore perceptibles, mais on apprécie déjà en manœuvres le fait que le véhicule rampe de lui-même. La boîte automatique, conjuguée à la compacité du modèle rend les évolutions sur les parkings encombrés d’Eurexpo très facile.

Direction la Rocade Est pour découvrir ces fameux 9 rapports promis. La chaîne cinématique monte vite en température et 4km seulement après la mise en route on découvre une douceur étonnante dans les changements de rapports, vraiment imperceptibles. L’afficheur confirme bien l’engagement de la 9ème, le moteur tournant alors à 1100tr/mn aux 80km/h requis sur cet axe pour les plus de 3.5t de PTAC.  Mais, surprise, GSR-II nous fait des farces en nous affichant une vitesse à 50km/h.

La commande de boîte automatique est en main gauche, ce qui libère un espace bienvenu à droite du siège.

Progrès et améliorations

Comme lors des récentes prises en mains de TRM24, nous avons eu droit à quelques « fantaisies » des ADAS obligatoires imposées par GSR-II. Celle relative aux consignes de vitesse en est un exemple, plutôt bénin mais agaçant du fait des signaux sonores que cela nous inflige. L’Otokar Navigo U, malgré ses petites roues en 245/70 R 17,5 s’est révélé très docile et fidèle sur les voies rapides. On a apprécié la réaction immédiate du ralentisseur, très rapide, puissant et progressif. Normal, c’est un système électromagnétique à courant de Foucault Telma AF 5090 de 900Nm de retenue. En prime, la boîte s’adapte en changeant de rapports, toujours de façon imperceptible.

Visiblement les équipes Otokar ont travaillé avec finesse sur l’harmonisation de la chaîne cinématique. Le freinage, tout disques, et à double circuit pneumatique, comprend toute la panoplie moderne de dispositifs de sécurité (ABS, ESP, EBS). Il s’est révélé impeccable d’efficacité et de progressivité sur notre parcours péri-urbain, malheureusement réalisé à vide. En revanche, l’implantation du pédalier fait que l’on peut involontairement appuyer simultanément sur le frein et l’accélérateur. Un danger potentiel auquel Otokar doit remédier de toute urgence. Le niveau sonore, pour un moteur central avant est tout à fait décent, le principal handicap de cette implantation demeurant l’accessibilité moteur (il faut ôter une trappe au plancher ou disposer d’un pont élévateur pour y accéder). Le rétroviseur gauche associé au montant de pare-brise génère un fâcheux angle-mort lors de l’abord des ronds-points.

La boîte automatique est une alliée très précieuse ici puisque sa rapidité d’action fait que l’on peut s’insérer facilement sur les ronds-points et voies d’accélération. Comme le moteur se révèle très vif et coopératif, on apprécie la manœuvrabilité de ce véhicule. Aucun temps mort n’est à déplorer, contrairement à ce qui peut se passer avec une boîte robotisée dotée d’un embrayage classique. Dès que le revêtement n’est plus parfait, l’Otokar Navigo U a conservé son caractère bondissant et un filtrage pour le moins rudimentaire. L’essieu avant avec ressorts à lames paraboliques (un Mercedes-Benz Powertrain Axle Systems F4.4) rappelle au conducteur et passagers des premiers rangs son caractère très rigide.

Dans sa version GSR-II, avec cette boîte Allison T2906, il a fait suffisamment de progrès en confort de conduite et ergonomie pour ne plus être la « bête noire » des conducteurs et conductrices. Reste à soigner les suspensions et l’accueil des passagers. La largeur hors-tout conditionne ici celle des sièges. Lesquels sont adaptés à des enfants, mais trop petits pour des adolescents et à fortiori pour des adultes. Dommage car ce gabarit Midi avec cette chaîne cinématique pourrait être l’allié de réceptifs de petits groupes en centre-ville.

[1] Plus connue sous la marque Holset

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