Actu

Il existe bien un marché du véhicule industriel militaire en Europe 

Un marché du véhicule industriel militaire existe bel et bien en Europe. Hormis Daimler Truck qui a conservé les véhicules militaires dans sa filiale Mercedes-Benz Special Trucks, les autres constructeurs ont, soit créée des co-entreprises dédiées (cf MAN avec Rheinmetall), soit se désengagent de ces activités (vente d’Arquus par Volvo AB à John Cockerill, vente annoncée d’Iveco Defense Vehicles par Iveco Group).  Scania est une exception puisque le département dédié aux véhicules militaires est intégré dans la filiale Scania France. Nous vous proposons de passer en revue ce qui existe sur le marché européen.

Les constructeurs VI ne cachent pas qu’ils ont été approché par les différents ministères dont celui de la défense dans le cadre d’un projet d’une économie de guerre. L’objectif  ayant été de faire un bilan de ce qui était et ce qui pouvait être produits en matière de véhicules lourds militaires en France et en Europe. TRM24 a dressé un bilan des productions en France et dans les autres Etats membres de l’UE. Sans pour autant pouvoir donner de chiffres sur les productions, ces dernières restant secret défense.

Daimler Truck a conservé dans la branche Mercedes-Benz Special Trucks la préparation des modèles de la gamme en versions militaires. Mention spéciale pour le Mercedes-Benz Zetros qui n’existe pas pour les marchés civils, faute d’être homologué Euro VI. Ce camion est le dernier à cabine semi-avancée du catalogue de la marque et dispose de suspensions à ressorts hélicoïdaux, comme la gamme lourde Unimog. Mercedes-Benz Special Trucks réalise également un châssis nu pour véhicules blindés (le FGA) conçu pour un PTAC de 14.8 tonnes. Celui-ci partage nombre de composants avec la gamme Unimog U5000. La société française Soframe est impliquée dans le contrat portant sur la livraison de 1500 Mercedes-Benz Zetros pour les forces armées du Canada.

Une filiale dédiée pour MAN

Pour son compatriote, MAN, le choix a été fait depuis plusieurs années de créer une entité dédiée avec le groupe allemand Rheinmetall. Ce n’est pas la première incursion du groupe de défense dans l’industrie automobile puisqu’en 1986, Rheinmetall fit l’acquisition des carburateurs Pierburg. Avec MAN, cela prend la forme depuis 2009 d’une co-entreprise Rheinmetall MAN Military Véhicules. S’il s‘agit, pour l’essentiel, des modèles de la génération MAN TGS et TGX militarisés, il existe une gamme spécifique, la série HX toutes roues motrices à entraînement permanent (silhouettes 4×4 à 10×10).

En Italie, Iveco Defence Véhicules (IDV) est l’héritière de Lancia Veicoli Industriali basée à Bolzano (Trentin, Italie). Iveco Group a annoncé lors de sa dernière assemblée générale annuelle, vouloir vendre cette division https://www.trm24.fr/iveco-se-separe-de-sa-division-defense/. Comme pour les groupes allemands, il y a une offre de modèles civils « militarisés » (à commencer par le fameux Iveco Daily 4×4) plus une gamme dite High Mobility disponible en silhouettes 4×4, 6×6 et 8×8. Le groupe a révélé en novembre 2024 un accord préliminaire avec Rheimetall et l’italien Leonardo (qui regroupe toute l’industrie aéronautique et militaire italienne). Parallèlement IDV est associé à son compatriote Oto Melara pour la construction de véhicules blindés sur roues, des véhicules très « latin » puisque la France s’en était fait une spécialité depuis les années 1960.

Le HX2 de Rheinmetall (MAN)

La Soframe, dernier groupe indépendant pour l’hexagone

En France, le secteur est passé sous pavillon Belge depuis la vente par Volvo AB de Arquus au groupe John Cockerill. Transaction finalisée en juillet 2024. Comme pour le camion, la lente construction d’un « champion national » (cf la fusion de Berliet avec la SAVIEM) se termine par une vente à l’étranger. Arquus étant, en effet, le résultat d’un processus de fusions et regroupements qui a duré près le 30 ans. Le groupe concentre les activités défense de Renault Trucks, de Panhard, d’Auverland et d’ACMAT. Cette vente d’Arquus laisse à Volvo Defense les seuls Volvo FMX porteurs et tracteurs au catalogue.

Le dernier groupe français indépendant est la société Soframe qui est, depuis l’année 2000, le nom de l’activité défense du carrossier-constructeur Lohr. La Soframe travaille sur différents châssis (Iveco, Renault Trucks, Mercedes-Benz) et réalise, outre les blindages et cabines blindées, des véhicules remorqués. Cette dernière activité la rapproche de sa maison-mère qui est bien connue pour les carrosseries de porte-voitures.

Côté constructeur, il faut mentionner la singularité de Scania France qui dispose à Angers de son propre bureau d’études, le SPAD (Scania Public and Defence). Ce bureau d’études, intégré à l’usine, est en charge de la conception des adaptations, protections, configurations et des conversions pour rendre les camions aérotransportables. Différentes unités françaises (Génie, service des essences de Armées) ont des véhicules adaptés par le SPAD qui, pour l’anecdote, avait aussi la charge des personnalisations … des autobus Scania Citywide.

Le Tatra T-815

La fin du Tatra T-815

En Europe, un autre grand pôle de construction de véhicule militaires ou de camions « durcis » est situé en république Tchèque et Slovaquie. Pour la république Tchèque, il y a l’incontournable marque Tatra qui a, hélas, annoncé au moins de mars 2025 la fin de production de la mythique dynastie Tatra T-815 à moteur V8 Tatra refroidi par air. Le groupe se concentre désormais sur la gamme Phénix à motorisations DAF. Mais châssis et transmissions (de 4×4 à 12×12) restent « maison ». Tatra reste fidèle aux demi-essieux oscillants à roues-indépendantes. En Slovaquie, c’est Torsus qui a conclu un accord avec Rheinmetall Military Véhicules pour la conception et la fabrication de MAN TG-E 4×4 « durcis ».

Ginaf, le constructeur spécialiste néerlandais indépendant qui transformait les véhicules DAF a fait faillite en novembre 2024. On espère que le nouveau repreneur aura assez de trésorerie pour relancer la firme.

La Turquie est depuis quelques années un pays très actif dans la production de camions et véhicules militaires notamment. On y compte quasiment tous les acteurs du véhicule industriel, à commencer par Anadolu Defence qui réalise des camions tactiques à silhouettes 4×4 (à essieux rigides ou roues indépendantes), 6x6x et 8×8. Anadolu est plus connu en France via Isuzu Anadolu pour ses pacifiques autobus et autocars. Otokar, une des nombreuses entreprises du groupe Koç, développe et fabrique également des véhicules blindés sur roues à silhouettes 4×4, 6×6 et 8×8. Le groupe a remporté fin 2023 un important appel d’offres des forces armées d’Estonie pour lequel les livraisons sont en cours. Vient enfin BMC (qui a débuté ses activités militaires en 1999) dont 49% du capital serait détenu par des fonds Qataris en lien avec les forces armées de ce pays).

Le Mercedes-Benz FGA-Châssis 14,8t

Les équipements issus des véhicules industriels

Cela ne remet pas en cause le fait que les composants clefs, moteurs et boîtes de vitesses, sont issus du monde du véhicule industriel. On retrouve donc, sans surprise des équipementiers bien connus comme Allison transmission, Cummins, Deutz, FPT Industrial/Iveco, MAN ou ZF.

Sur la partie chaîne de traction, l’adaptation à la hausse des commandes peut se faire rapidement, et certainement au grand soulagement des industriels. Pour les boîtes de transfert et transmissions intégrales, les débouchés militaires sont évidemment importants mais on entre ici dans un univers où les volumes sont moindres.

Ces véhicules sont aussi intéressants pour les spécialistes des pneumatiques comme BF Goodrich, Continental Hutchinson ou Michelin. Ce sont aussi ces applications de défense ou de protection civile qui ont donné naissance à des systèmes comme le Teleflow pour le gonflage en roulant des véhicules tout-terrain et de trial.

One Response

  1. Très intéressant car peu connu

Comments are closed.